Service d'Accompagnement à la Vie Sociale
De 2009 à 2011, je me rends régulièrement (une a deux fois par semaine) au S.A.V.S. de Cadet, dans le 9e arrondissement de Paris. Ce afin d'y travailler sur la possibilité du son comme liant social. Il était question au début d'aider à l'enregistrement d'une série "polar" radiophonique, puis prêter main forte à la mise en place de RADIO CITRON, une radio entièrement réalisée par les usagers de la structure. Enfin, au bout d'un an et demi, étant familiarisé avec cette faune de gens tous plus sensibles et bienveillants les uns que les autres, nous avons décidé de nous lancer dans l'enregistrement de l'ASSASSIN HABITE AU 21.
En écoute sur cette page, il s'agit d'enregistrements préparatoires à la réalisation de cette dernière pièce radiophonique.
RADIO CITRON : UNE RADIO ENTIEREMENT REALISEE PAR LES USAGERS POUR LE GRAND PUBLIC
LES PATIENTS ET LA CITE
Un des principaux enjeux des structures de l’Elan Retrouvé est d’accueillir des personnes souffrant de maladie psychique et de les aider à se sentir partie intégrante de la société. La mission du service de soins et d’accompagnement consiste à chercher tous les moyens qui leur permettent de retrouver le chemin de la société.
L’Elan Retrouvé avait dès le départ, à la création du SAVS, pour intention d’ouvrir la structure pour permettre ce brassage dans ses activités. Mais la déception a été grande ! Personne n’est venu à nous. C’était donc à nous d’aller vers eux. Une médiation semblait nécessaire. Plus encore : nous devions être créateurs d’une dynamique, apporter quelque chose à la cité et ne pas se contenter d’être demandeur d’intégration.
La rencontre entre ces personnes en souffrance psychique et le monde qu’on dit ordinaire est difficile. Les patients expriment le souhait très marqué de « voir évoluer l’image de la maladie psychique dans nos sociétés ». La représentation sociale de la folie est pleine de préjugés, de peurs, qui ne facilitent pas la communication.
A l’inverse ces personnes en souffrance vivent leur maladie comme une tare, ils la cachent, et ne parviennent pas à se sentir partie intégrante de la société dans laquelle ils vivent.
Appréhender le handicap psychique avec une meilleure connaissance mutuelle, établir ce dialogue, inexistant aujourd’hui, facilitera la communication et la compréhension réciproque et ainsi contribuera aux changements de perception que chacun a de l’autre.
POURQUOI UNE RADIO ?
Cet espace de parole et d’échange que fournit la radio constitue un bon moyen de rejoindre les autres, la communauté de ses pairs et de favoriser l’être ensemble, dans une relation de reconnaissance mutuelle. Les patients ont des capacités intellectuelles et émotionnelles, une culture de l’actualité, un esprit critique des évènements et des comportements sociaux pour soutenir un projet de ce type, à condition qu’ils soient accompagnés dans cette démarche.
Les usagers sont donc amenés à s’exprimer sur ce qu’ils vivent, pensent ou sentent de la société qui les entoure. Ce qu’ils ont à nous dire, ce qu’ils ont vécu à travers leur maladie, intéresse directement le corps social dans son ensemble. Qui aujourd’hui n’a pas vécu de près ou de loin à travers un membre de sa famille ou des amis, un moment de dépression difficile à gérer à cause d’un environnement peu attentif et compréhensif à cette souffrance ?
Une rencontre décisive nous a orientés vers la création d’une émission de radio. Radiocitron s’inspire en effet de « La Colifata », une émission créée et animée depuis 15 ans par Alfredo Olivera avec les patients de l’hôpital psychiatrique de Buenos Aires et qui jouit d’une notoriété très forte dans le pays et de plus en plus en Europe. Des expériences ont commencé en Italie, en Espagne, en Angleterre, et en France, à Roubaix et Toulouse. Nous avons rencontré Alfredo Olivera à de nombreuses reprises lors de ses passages à Paris et nous avons suivi une formation sur les processus en cours lors d’une création de ce type.
Notre projet aujourd’hui, inspiré de cette radio, est donc de créer un espace de parole qui favorise le lien entre ceux qui font la radio, usagers et patients, et ceux qui l’écoutent, le grand public.
RADIOCITRON, ESPACE DE DIALOGUE
Radiocitron est une radio entièrement réalisée par les usagers, à destination du grand public dont l’objectif est double :
_ faire évoluer l’image des maladies psychiques auprès du grand public (préjugés, peurs, manque de communication…). Il est temps que le grand public se rende compte que les malades peuvent avoir des idées autres que meurtrières !
_ faire évoluer la perception que les malades psychiques ont d’eux-mêmes, en leur permettant de ne pas vivre leur maladie comme une honte, une tare mais comme une différence positive.
L’idée est créer un espace de parole commun à travers la radio, qui témoigne de leur
différence mais aussi de la vision qu’ils ont sur leur environnement, les sujets de société, le culturel sous toutes ses formes…, et de ne pas réduire ces personnes au seul handicap psychique. Quelqu’un qui a un cancer n’est pas perçu simplement comme un cancéreux mais comme un citoyen à part entière.
Pour aller jusqu’au bout de cette idée, Radiocitron espère une diffusion régulière de quelques minutes sur une radio publique nationale.
RADIOCITRON, UN LIEN VITAL POUR LA DEMOCRATIE
Citoyenneté, démocratie, égalité des chances, liens sociaux, intégration dans la cité, voilà les perspectives de cette belle aventure.
L’initiative d’un tel projet s’inscrit complètement dans les finalités et les valeurs qui guident l’action de l’Elan Retrouvé.
Peut-on en même temps être malade, différent et avoir le sentiment de faire partie intégrante de la société ? Cette question est au coeur de notre pratique : construire ce lien manquant entre les deux aspects de la personne handicapée psychique, en l’aidant à vivre sa différence tout en étant intégrée dans la cité.
La radio nous semble être un média approprié pour développer ce lien vital. La radio est la rencontre de l’autre, quelque soit l’autre. Sans nier la maladie mentale, il s’agit de parler avec son identité propre.
Radiocitron porte un espoir : faire admettre la voix de ceux que d’habitude on n’entend pas, car ils ont eux aussi à apporter à la société leur contribution à la vision générale de la démocratie.
